Chaque rentrée, c’est la même chose. Pas seulement la reprise, les agendas, le bruit des stylos neufs — non. C’est aussi le retour de certains codes esthétiques que l’on connaît par cœur, mais qui continuent de nous séduire.
Tartans, rayures, blazers à écussons, chaussettes montantes, uniformes revisités, ambiances de dortoir ou de campus… Des éléments qu’on pourrait croire épuisés — mais qui reviennent chaque saison avec une nouvelle narration.
Pourquoi ?
- Parce qu’ils rassurent.
- Parce qu’ils racontent une entrée en scène.
- Et parce qu’ils activent une mémoire collective profondément ancrée.
Zara × Butter Bear : une école pastel pour millenials nostalgiques.
Zara ne s’est pas contenté d’une collection rentrée. À Shanghai, la marque a investi le showroom Butter Bear pour créer une expérience immersive digne d’un décor de dessin animé.
On y entre comme dans une mini école : salle de classe, bibliothèque rose, tableau, cartables, cafétéria… tout est pensé pour plonger le visiteur dans une vision idéalisée de la rentrée. Mais ce n’est pas une école réelle : C’est une école émotionnelle, avec les filtres doux de notre enfance, remixée version Instagram.
Une manière pour Zara de se reconnecter à une imagerie universelle, accessible, joyeuse, et hautement partageable. La rentrée devient un décor à habiter, une nostalgie à vivre en 3D. Et ça fonctionne.

Merch Zara x Butter Bear, pop-up store à Shanghai

Merch Zara x Butter Bear, pop-up store à Shanghai

Merch Zara x Butter Bear, pop-up store à Shanghai
Susmies “The Biscuit Club” : sororité d’adolescentes en huis clos
Autre ton, autre univers : la marque Susmies joue une partition beaucoup plus intime.
Sa collection “The Biscuit Club” présente un groupe de filles dans une chambre d’ado, ambiance huis clos doux-amer. Le stylisme convoque tous les codes du collège : tartan, rayures, badge, polo, uniformes réinterprétés en silhouette trendy. Mais on sent quelque chose de plus fragile, de plus émotif.

Susmies.com

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Le nom même de la collection dit beaucoup :
- “Biscuit” pour l’enfance, la douceur, les rituels rassurants.
- “Club” pour la sororité, l’entre-soi, l’univers des campus.
On pense à The Virgin Suicides, à Skins, à Gossip Girl, à Felicity — tous ces récits où les chambres sont des sanctuaires (légèrement mélancolique !) de construction de soi.

Susmies.com
Baby Dior : rentrée couture et codes aristocratiques
Dans un tout autre registre, la campagne “Diorling” signée Java Jacobs pour Baby Dior prend le contre-pied des deux précédentes.
Ici, les enfants deviennent héritiers stylisés dans un décor de château-collège. Uniformes impeccables, blazers croisés, écussons brodés, visages posés, presque mystérieux. On ne parle plus d’enfance, mais de posture.
Celle de parents millenials qui projettent leurs goûts et leurs valeurs sur la garde-robe de leurs enfants. Le résultat est superbe, mais moins “vécu” — plus scénarisé, plus statutaire. La rentrée devient ici un cérémonial du style.
Pourquoi ces codes fonctionnent encore (et encore)
Ces trois campagnes sont très différentes, mais elles rejouent toutes la même mélodie visuelle : la rentrée comme moment de transformation, de projection, d’appartenance.
Les sociologues parlent de la rentrée comme d’un rituel structurant, où l’on rejoue chaque année un passage : du flou à la structure, de l’été à l’effort, de soi vers les autres. David Le Breton ou encore Pascal Lardellier décrivent ces rites comme des repères qui nous rassurent — parce qu’ils balisent notre identité. Et la mode, comme toujours, s’en empare.
Mon regard de styliste : entre émotion et précision
Ce sont des codes que j’ai beaucoup explorés dans mon travail de styliste et de DA. Et je le dis sans nostalgie excessive : ils me plaisent toujours. Parce qu’ils permettent de jouer, de décaler, de raconter. J’aime :
- Chercher la bonne rayure, ni trop sage ni trop cliché,
- Composer un écusson imaginaire,
- Imaginer une sororité fictive,
- Créer des vêtements qui racontent une histoire d’école qui n’a jamais existé, mais qu’on reconnaît tous.
Et surtout, ce sont des codes joyeux. Ils ne cherchent pas la disruption. Ils cherchent la connivence.

Extrait portfolio CÉLINA BAILLY : Promostyl, trendbook Femme FW23. Illustrations @ Linda Reinders

Extrait portfolio CÉLINA BAILLY : Promostyl, trendbook Femme FW23. Illustrations @ Linda Reinders
Le pouvoir intergénérationnel de la rentrée
Ce qui est fascinant, c’est que la rentrée ne parle pas qu’aux enfants. Elle parle à trois générations en même temps :
- La Gen Alpha / Z : cible directe, qui s’empare des codes du collège comme d’un uniforme cool.
- Les millenials : ex-ados nourris aux séries comme Gossip Girl, Dawson, Buffy, Glee, Les Frères Scott… qui retrouvent dans ces campagnes les échos de leur propre adolescence.
C’est d’ailleurs pour ça que les campagnes back-to-school sont si efficaces : elles racontent à chacun une version de sa rentrée.
Cet article a été écrit par Célina Bailly, directrice artistique à MODART International.